On associe souvent les champignons à l’automne, le moment des poêlées de girolles et des veloutés des cèpes…
Mais au printemps aussi il y a des bons champignons ! Le Tricholome de la Saint-Georges (Calocybe gambosa, parfois appelé Mousseron vrai, car d’autres champignons aussi sont appelés Mousseron…) est un champignon printanier à chair ferme et au goût doux, prononcé, parfait à la poêle ou en soupe. Il est important de bien le connaître pour éviter de le confondre avec des espèces similaires qui sont toxiques !
Vu du haut, il ressemble à un gros caillou blanchâtre. D’une taille allant d’une noix à une balle de tennis, il se remarque facilement car il pousse en groupes ; alors, sauf si quelqu’un vient vraiment de déposer plusieurs cailloux dans le coin, lorsque vous remarquez une concentration inhabituelle de patatoïdes blancs parterre, ça vaut la peine de vérifier ce que c’est 😉
Le Tricholome de la Saint-Georges pousse plutôt sur sol calcaire, dans les pelouses et dans les lisières. C’est un champignon mycorhizien qui, selon certaines études, est en lien avec les plantes de la famille des rosacées (aubépine, prunellier, ronces…), mais on l’observe aussi souvent sous érable champêtre. Sa silhouette est charnue et plutôt trapue, le pied blanc. Le chapeau est clair mais de couleur assez variable : blanc crème, beige, jaunâtre, grisâtre, parfois légèrement rosâtre ou tacheté de roux. Les lames sont adnées (ça veut dire qu’elles vont jusqu’au pied, sans laisser d’espace vide), couleur crème, nombreuses et serrées. La chair est blanche et immuable (elle ne change pas de couleur quand on coupe le champignon).
La sporée est blanche : c’est un caractère important à vérifier car dans les confusions possibles, il y a une espèce très toxique voire mortelle, l’Entolome livide (Entoloma sinuatum, autrefois E. lividum) avec une écologie, une silhouette, une couleur et une odeur semblables (!!!) mais une sporée rose.
TUTO : Comment trouver la couleur de la sporée ?
Prenez le chapeau du champignon, posez-le sur une feuille de papier sombre (si la sporée est censée être claire, comme pour le Mousseron vrai et l’Entolome livide) ou une feuille de plastique transparent rigide, couvrez-le avec un bol et patientez quelques heures. Le champignon va libérer ses spores, qui lui servent pour se reproduire, et ces spores vont tomber sur la feuille. Au bout d’au moins 4h (parfois ce n’est pas suffisant, ça peut être toute une nuit si c’est plus pratique pour vous), enlevez le bol et soulevez le chapeau : vous verrez un dessin clair sur la feuille ! Pour identifier la couleur, rassemblez les spores avec une lame et faites-en un petit tas. De quel couleur est-il ? Si c’est bien blanc, ça correspond au Calocybe. Si c’est rose ou rosâtre, danger ! C’est un Entolome, il ne faut pas le consommer.
Bien sûr, pour d’autres champignons qui auraient des sporées foncées, on utilisera une feuille blanche comme support, comme dans l’exemple ci-dessous 😉 et quand on ne sait pas à quoi s’attendre, la feuille de plastique rigide est une bonne solution car on pourra la poser sur un support clair ou foncé au choix, pour obtenir un meilleur contraste.
Pour ceux d’entre vous qui ont une âme d’artiste, il est possible de faire de belles compositions en disposant avec soin les chapeaux ! Ma sporée dans la photo n’a pas une gueule de porte-bonheur, mais on voit la couleur brun-rosâtre de la sporée 🙂
Normalement, l’Entolome livide est une espèce qui pousse en fin d’été, donc le risque de confusion est limité grâce à la période de poussée qui est différente. Mais…avec les températures prématurément chaudes enregistrées ces dernières années, il n’est pas rare que des champignons d’automne commencent à pousser l’été, il est donc possible que des champignons estivaux apparaissent ponctuellement au printemps ! Ce critère temporel devient donc de moins en moins fiable pour l’identification. Il est essentiel de se baser sur d’autres critères comme la sporée pour réussir son identification.
Le Tricholome de la Saint-Georges pousse en rond de sorcière : le mycélium (qui ressemble à des fines racines mais qui constitue le corps du champignon) se ramifie à partir d’un point central et fructifie sur une circonférence, qui s’agrandit d’année en année. Alors, attention : si vous repérez un Calocybe, regardez bien tout autour pour trouver le cercle et ne pas écraser les petits frères de votre cible !
Frais, il a une odeur de farine fraîchement moulue ou de pastèque (cherchez pas, ce sont des odeurs de mycologues, il faut sentir pour comprendre depuis quand la farine et la pastèque sentent pareil)…tout comme l’Entolome livide ! L’odeur reste un critère important pour déterminer si le Mousseron vrai est en état d’être consommé ou pas. Dès qu’il commence à vieillir ou qu’il est trop abîmé, il prend une odeur désagréable, de poussière ou de moisi, on fera donc attention à choisir des exemplaires jeunes et frais qui sentent bon 🙂
Le test ultime pour voir si vous êtes devenu un expert en reconnaissance de Calocybes, c’est d’en trouver après des épisodes de sécheresse ou de fortes pluies. Ils prennent alors des formes et des couleurs assez étonnants…
Souvent le pied devient très gros et le chapeau assez foncé. Des fois, ce changement est poussé à l’extrême avec un pied énorme et un chapeau tout rikiki !
Chez certains spécimens avec des formes bizarres, on peut aussi remarquer que les lames prennent une forme descendante, dans le sens qu’elles descendent le long du pied. C’est une caractéristique des Clitocybes, qui peuvent aussi être blancs ou blanchâtres et qui sont parfois toxiques.
A ce stade-là, la description du Calocybe gambosa dans les livres ne correspond plus du tout à ce qu’on voit ! Et pourtant c’est toujours la même espèce…
Dans tous ces cas, il est mieux de ne pas consommer ce champignon. En règle générale, on ne consomme jamais un champignon abîmé, trop vieux ou dont on n’est pas certains de l’identification.
En conclusion, le Mousseron vrai est un très bon comestible, abondant sur ses spots mais pas ubiquiste (il ne suffit pas de sortir en forêt ou sur un pelouse pour en trouver !), qui demande une certaine expérience pour apprendre à l’identifier avec certitude. C’est un champignon amusant à observer quand il pousse de traviole ou avec un pied hypertrophié, en réponse à des évènements météorologiques rudes. Il donne du goût à nos recettes printanières mais il ne faut pas en abuser.
Pour apprendre à l’identifier, l’idéal est de sortir sur le terrain avec des spécialistes, observer, toucher, sentir le champignon pour apprendre à le connaître avec tous nos sens, poser des questions aux experts pour être sûrs de ce qu’on a entre les mains et acquérir ainsi l’expérience nécessaire pour partir à la cueillette en toute sécurité 🙂
Article sympathique qui donne envie de connaître un peu mieux ce Tricholome de la Saint Georges !
Il est fort possible que si nos amis Anglais ont le mot « mushroom » pour désigner un champignon, c’est parce qu’ils avaient du mal à prononcer le mot « mousseron ».