Demandez à un enfant de vous citer des noms d’oiseaux, et dans les 5 premiers avec pigeon, canard, mouette et moineau, je gage que le rouge-gorge sera souvent cité. Il est partout et tout le monde a déjà vu son beau plastron coloré au moins une fois en se promenant dans un parc. Mais il se trouve que cette petite boule de plumes peut encore nous cacher des surprises.

Commençons par le début, crevons l’abcès tout de suite : NON !! La gorge du rouge-gorge n’est pas rouge !!!
Ô clameur dans les foyers, ô justice pour les tatillons, le maraud nous tromperait donc ainsi depuis toujours ?
Et bien non, c’est tout simplement que la couleur orange n’existait pas dans l’Antiquité !! Ou plutôt, le nom de la couleur « orange » n’existait pas. On qualifiait alors cela plutôt de rouge.
Ce n’est qu’au XVIe siècle que les premières utilisations du mot « Orange » ont été repérées, appellation issue d’un fameux fruit apparu en Europe au Xème siècle, rapporté notamment des excursions en Moyen-Orient, et dont le sens aurait dérivé pour en venir à définir cette couleur spécifique entre le rouge et le jaune.
Toutefois le mal était déjà fait, plus question de changer son nom !
Un peu de phylogénie maintenant : le rouge-gorge fait partie de l’ordre des Passereaux, ou passeriformes, et a été déplacé de la famille des Turdidés à la famille des Muscicapidés en 2010. Sans m’étendre dessus, il s’avère que la classification des passereaux, à savoir le plus grand ordre de la classe des oiseaux, regroupant environ la moitié d’entre eux, est en constant remaniement par les scientifiques. Il n’est ainsi pas rare de trouver de subtiles différences entre un guide ornithologique datant un peu et un récent.
On comprend mieux pourquoi les fameux ouvrages de Delachaux et Niestlé sortent régulièrement de nouvelles éditions.
Comment le reconnaître ?
Long d’environ quatorze centimètres pour une envergure d’une vingtaine de centimètres, il est souvent décrit comme d’allure « rondouillette », même s’il ne pèse que seize grammes en moyenne. S’il parvient à passer les premiers hivers, le rouge-gorge pour vivre jusqu’à une dizaine d’années.

Le rouge-gorge adulte est difficile à confondre avec une autre espèce.
Le dessus du corps, les ailes ainsi que la queue sont d’un brun uni tirant vers l’olive, tandis qu’il arborera le fameux orange du front jusqu’à la poitrine, en passant par les joues. Le ventre sera quant à lui d’un blanc cassé progressant jusqu’au brun, pouvant passer par du grisâtre au niveau des flancs. L’œil est globuleux et noir, les pattes assez longues sont sombres, le bec est fin et effilé, sombre lui aussi.
Concernant le juvénile, il est brun moucheté de beige voire roussâtre sur le torse, avec le « barbouillis » au commissures du bec, caractéristique d’un passereau juvénile.
Il n’existe pas de dimorphisme sexuel remarquable chez cette espèce, aussi afin de pouvoir différencier les individus il faudra effectuer des prélèvements pour analyses.
Peu farouche, il est probable que vous l’entendiez avant de le voir. Perché sur une branche, il vocalise en une suite de notes aigues et sèches formant souvent de longues séries. Contrairement à certains oiseaux méthodiques et au chant ordonné.
J’ai l’habitude de dire, lorsque l’on cherche à reconnaître le chant du rouge-gorge, que « c’est n’importe quoi, ça ne ressemble à rien, mais c’est joli ».

Milieu de vie et écologie
Le rouge-gorge se trouve dans les bordures de forêt, à la lisière entre des strates arborées ou arbustives et des zones plus ouvertes comme des parcs, des jardins. Il peut aussi fréquenter les haies ou les buissons… Bref, vous l’aurez compris, tant qu’il dispose d’une zone ouverte ainsi que d’un point de vue surélevé pour surveiller son environnement ou chanter.
L’utilité du chant est surtout de défendre son territoire, qu’il ne partage pas, quel que soit le sexe. Le rouge-gorge est en effet solitaire et très territorial, les intrusions se réglant d’abord par les vocalises, qui sont généralement dissuasives. Il arrive toutefois qu’un combat doive s’engager, résultant parfois même à la mort d’un des individus.
L’appariement se fera en hiver, où la femelle quittera son territoire pour rejoindre celui du mâle, et effectuera des postures de soumission (notamment en cachant son plastron orange, symbole ostentatoire et conflictuel) afin de faire comprendre ses intentions. Pour toute parade nuptiale, le mâle apportera des proies en offrande… C’est déjà ça non ?

Concernant le nid, c’est la femelle qui s’y colle. Une anfractuosité dans un muret, une alcôve sous une souche, un buisson, un trou dans un arbre ou encore un nichoir à large ouverture, madame est peu regardante. Construit au printemps, il sera hémisphérique, largement garni de mousses, d’herbes, de feuilles mortes, de plumes ou encore de poils (pratique quand les animaux domestiques perdent leur pelage d’hiver).
La femelle couvera ensuite seule 3 à 7 œufs pendant une quinzaine de jours, et sera aidée du mâle pour le nourrissage et l’élevage des jeunes, qui quitteront le domicile familial deux semaines plus tard, tout en continuant d’être alimentés pendant quelques temps par les parents. Chose pratique car ce cycle de deux semaines offrira toute latitude à madame pour laisser monsieur s’occuper des jeunes tandis qu’elle ira s’occuper d’une seconde couvée, très rarement d’une troisième.
Petit aparté important
Un oisillon au sol n’est pas forcément en danger, il a peut-être juste quitté le nid un peu tôt avant l’envol et ses parents continuent de s’en occuper.
Pour savoir si le poussin est en danger ou non, il suffit de l’observer : possède-t-il des plumes ? si oui le mieux à faire est de le laisser tranquille si aucun danger direct ne le menace (présence de chats ou d’une route par exemple) ou de le guider -s’il ne semble pas éprouver de difficulté à se déplacer- vers un buisson touffu où il pourra se cacher et continuer d’appeler ses parents.
Si toutefois il ne possédait pas de plume ou seulement du duvet, le mieux à faire est de contacter un centre de soin qui pourra vous donner toutes les informations afin d’identifier l’espèce et donc de savoir quelle sera la meilleure chose à faire.
Nous rappelons également que les oiseaux peuvent être vecteurs de maladies, ainsi un oiseau ne doit être manipulé qu’en dernier recours, avec des protections, en pensant à bien se laver les mains après.
— Fin de l’aparté–
Le régime alimentaire du rouge-gorge est composé principalement d’insectes, comme peut l’attester la forme de son bec, longue et effilée. Il ne dédaignera pourtant pas d’autres sources de nourriture telles que les petits invertébrés comme les escargots, les lombrics, les araignées, les graines, les baies… Les mangeoires sont visitées sans vergogne et sans partage avec d’autres espèces, son caractère territorial restant bien affirmé. Il a déjà été observé suivant de gros mammifères pour fouiller après leur passage, y compris les jardiniers qui ont l’habitude de sa compagnie lors du travail de la terre. Il chasse soit en surveillant son environnement depuis une petite hauteur, soit en parcourant le sol par petits bonds, retournant les feuilles mortes.
La migration

Le petit passereau est ce que l’on appelle un migrateur partiel : certaines régions seront suffisamment clémentes pour l’accueillir toute l’année, tandis que d’autres zones forceront le départ pour une migration vers le Sud pour l’hiver, puis retour dans le Nord l’été. Ainsi il est tout à fait possible que le rouge-gorge qui chante à la mauvaise saison dans votre jardin ou sur votre terrasse ne soit pas le même que celui qui y passe les beaux jours.
Si elle est nécessaire, le rouge-gorge profitera de la nuit pour migrer, et de la journée pour ses activités de recherches de nourriture. Ce sera d’ailleurs durant l’hiver que la férocité territoriale du rouge-gorge diminuera jusqu’à ce que des individus puissent accepter de migrer ensemble, par petits groupes. Il a d’ailleurs même été rarement observé des dortoirs communs lors d’hiver rigoureux, et de la non-agression à la mangeoire.
Comme quoi, c’est peut-être dans la difficulté que l’on reconnait ses pairs ?
Il est à rappeler que même si la migration est une grande source de stress pour les animaux, pouvant entrainer une hausse de la mortalité du fait de ses dangers (prédation, accident, faim, conditions météorologiques…) il est important de ne pas nourrir les oiseaux à l’aide d’une mangeoire toute l’année, afin qu’ils puissent conserver un comportement naturel de recherche de nourriture, et par conséquence de migration en temps voulu. La LPO recommande d’ailleurs de retirer les mangeoires à partir de fin Mars. Cela évitera aussi une trop forte concentration d’oiseaux avides de nourrir leurs petits (alors que ceux-ci ont souvent un besoin alimentaire protéiné et donc composé principalement d’invertébrés) et d’attirer les prédateurs (les chats notamment, mais aussi certains rapaces) tout comme de faciliter la transmission des maladies.

J’espère que ce petit article sur notre ami le rouge-gorge vous aura plu, et vous donnera envie de profiter des beaux jours pour sortir et tenter de l’apercevoir, à la nouvelle lumière de ce que vous aurez appris -ou réappris- sur ce fascinant passereau.
Sur ce je vous laisse, une partie de Wingspan m’attend.
Naturalistement