L’Arum, la fleur qui pue la mort

Quand on pense aux fleurs, on pense à la rose, à la violette, au muguet, à des odeurs douces et agréables… Mais dans la nature, il y en a pour tous les goûts, et les goûts sont propres à tout un chacun ! Il existe alors des fleurs à l’odeur d’excrément ou de cadavre en putréfaction, pour le plus grand plaisir des copro- et saprophages 😀

Vous l’avez sûrement déjà croisé dans un sous-bois ou un parc : l’Arum, aussi appelé Gouet, est une plante toxique qui irrite fortement les muqueuses si ingérée. Quand ses feuilles sont jeunes, on peut les confondre avec celles de l’ail des ourses (Allium ursinum), mais très vite elles présentent deux lobes pointus qui leur donnent une forme sagittée (en pointe de flèche) et ne possèdent pas l’odeur d’ail. Si l’intérêt de cette plante vous semble s’arrêter à son usage lors des repas avec votre belle-mère, restez jusqu’à la fin car je vais vous dévoiler son petit secret qui en fait une de mes super-plantes préférées !

Chez nous, on peut observer deux espèces d’Arum : l’Arum tacheté (A. maculatum) et l’Arum d’Italie (A. italicum). Le plus simple pour les distinguer c’est de regarder dans leur fleur, cette espèce de doigt qui s’érige au milieu : il est jaune chez l’Arum d’Italie et brun chez le tacheté. Ce dernier est généralement de plus petite taille que le premier et ses feuilles peuvent présenter des petites tâches foncées, d’où son nom.

Les grandes feuilles sagittées apparaissent à l’automne, pour l’Arum d’Italie, ou au printemps, pour l’Arum tacheté, et dès le mois d’avril une intrigante feuille enroulée apparaît au milieu des autres…mais qu’est-ce que c’est que ça ??

Une fois qu’elle se déroule, on croit apercevoir enfin la fleur de l’Arum…mais est-ce vrai ? Faisons un petit point botanique pour étudier cette affaire.

Les fleurs sont les structures responsables de la reproduction chez les plantes à fleurs (les angiospermes). Elles se composent d’organes reproducteurs, le pistil (femelle) et les étamines (mâles), et d’organes stériles, les pétales et les sépales, utiles pour protéger la partie fertile et pour attirer les pollinisateurs. Les étamines se composent du filet et des anthères, ces dernières contiennent le pollen qui correspond à la cellule mâle (comme les spermatozoïdes). Le pistil comporte un ovaire qui contient les ovules, un style et un stigmate, qui reconnaît et reçoit le pollen et permet son acheminement jusqu’aux ovules, qui seront ainsi fécondés et se transformeront en graines. L’ovaire deviendra le fruit.

Alors alors, si on suit cette définition, chez l’Arum ce qu’on voit serait…un gros pétale enroulé autour d’une étamine géante…??
NON !
Car les fleurs de l’Arum sont en réalité bien cachées, dans le renflement qui se trouve à la base de tout ce bazar.

Mais quel est l’intérêt de cacher ses fleurs ?? Comment vont faire les pollinisateurs pour y accéder et transporter le pollen d’une fleur à l’autre ? Eheh, c’est là que l’Arum montre tout son génie…avec un système de piège à mouchettes très spécifique 😉

Vous ne l’avez pas oublié, l’Arum sent très mauvais (petit clin d’œil à l’Ecology master de notre chaîne YouTube). C’est le spadice, cette structure en forme de doigt qui émane cette odeur, et qui est même capable d’émettre de la chaleur pour simuler au mieux de la chair en décomposition. Cette odeur nous repousse (tant mieux, ça nous évitera des intoxications), mais il y a des petits êtres qui en sont attirés : les mouchettes du genre Psychoda, qui font à peine quelques millimètres de long et peuvent suivre cette odeur jusqu’à l’intérieur de l’Arum, là où la spathe (cette espèce de feuille enroulée) nous cache ce qui se passe.

La mouchette découvre alors un monde caché et inattendu. Mais…où est la charogne ?! Il y en a pas bien sûr, l’Arum a réussi à leurrer la mouchette et la piéger. Elle restera enfermée deux ou trois jours, le temps que l’Arum fasse ce qu’il a à faire et fane, pour la libérer. Que se passe-t-il dans cet endroit caché ? Sectionnons une fleur pour le découvrir !

Surprise surprise, c’est ici qu’on trouve les vraies fleurs de l’Arum ! Tout en bas, les fleurs femelles, suivies par un petit cercle de fleurs stériles, puis les fleurs mâles et tout en haut, plusieurs fleurs stériles qui empêchent les mouchettes de s’échapper.

Les mouchettes sont obligées de vivre dans ce petit espace, se baladant sur les fleurs et se nourrissant d’un liquide produit exprès pour elles par la plante. D’abord, a lieu la floraison des fleurs femelles. Ainsi, les mouchettes qui n’en sont pas à leur premier passage dans un Arum, déposent du pollen sur les stigmates et fécondent ces fleurs. Le lendemain, ce sont les fleurs mâle qui s’épanouissent, et les mouchettes qui s’y promènent s’imprègnent de nouveau pollen. Suite à cela, la fleur fane et les mouchettes sont libres !….

….Libres de retomber dans le piège et participer à la fécondation de cette plante génialissime 🙂
Personnellement, j’adore découvrir les stratégies ingénieuses que certaines plantes utilisent pour se reproduire. Et vous ?

P.S. En bonus, une capture d’écran de l’Ecolo, toujours de notre chaîne YouTube. La vidéo sur l’arum n’est pas encore publiée, alors je ne vous spoil pas l’intrigue… 🙂

P.S. 2 J’ai parlé de l’Arum sur France Bleu Armorique, dans l’émission Curieux de nature, si vous voulez écouter la rediffusion c’était le 19 avril et c’est par ici : https://www.francebleu.fr/emissions/curieux-de-nature-en-bretagne/armorique

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