Lors d’une promenade automnale en forêt, du bruit se fait entendre au pied d’un conifère, vous vous approchez afin de connaître l’origine de ces bruissements et une forme floue brune-rousse grimpe à toute vitesse le long du tronc jusqu’à une branche à environ 4 mètres de hauteur.
De là, l’animal fait une pause pour vous observer de ses yeux noirs et brillants, et vous l’observez en retour : long d’environ une vingtaine de centimètres prolongé une queue hirsute tel un plumeau à poussière doublant la longueur de ce petit corps ; le dos, les pattes et la tête d’un roux sombre recouvrant une gorge et un ventre blancs, une tête ronde surmontée de deux oreilles poilues… Le doute n’est plus permis, vous êtes face à un écureuil roux !
Sciurus vulgaris -de son petit nom scientifique- est un membre de l’ordre des rongeurs, caractérisés par une seule paire d’incisives sur la mâchoire du haut et celle du bas, poussant tout au long de leur vie. Il fait partie de la famille des sciuridés, dont l’étymologie vient du nom en grec ancien de l’écureuil « σκίουρος » ( skiouros, formé de skia : ombre et ouros : queue, du fait de sa capacité à se servir de son appendice caudale comme d’un parasol ).
Cette famille comporte toutefois plus de 280 espèces, dont certaines ne possèdent pas cet élégant attribut ; mais bon comme souvent lorsqu’il s’agit de trouver un nom en cladistique (l’étude des apparentements entre les êtres vivants), c’est premier découvert, premier servi. Au fil de cet article, nous nous concentrerons surtout sur l’écureuil roux d’Eurasie, celui que l’on trouve communément dans nos forêts et nos parcs.

Je ne résistais pas à l’idée de vous proposer une photo de marmotte des Alpes, qui est elle aussi membre des sciuridés. On ne n’imaginerait pourtant pas la voir cousine de l’écureuil roux au premier regard.
Ecologie
Même s’il peut être observé au sol, l’écureuil est essentiellement arboricole, morphologiquement bien adapté à sa vie de voltigeur de l’extrême : sautant avec assurance de branches en branches ou dévalant un tronc la tête en bas. Sa queue joue un rôle primordial en tant que balancier, et ses doigts (4 à l’avant et 5 à l’arrière) lui permettent de s’accrocher aux écorces. On peut d’ailleurs noter une souplesse des chevilles arrières, capables de se tourner quasiment à 180° pour permettre de retenir le corps (environ 250 à 390g) lors de ces descentes. Il est surtout actif en journée.
Le gîte et le couvert ?
Omnivore, notre ami poilu peut consommer aussi bien des fruits, des baies, des bourgeons, de la sève ou des champignons que de petits invertébrés, voire occasionnellement des œufs ou des oisillons au nid.
La nourriture est une partie très importante de la vie trépidante d’un écureuil, entre le fait de se nourrir afin de subvenir à un métabolisme très élevé, une température corporelle d’environ 39°C (comme beaucoup de petits mammifères) et la constitution de réserves de nourriture en vue de l’hiver (nous y reviendrons en détails plus tard).
Les écureuils vivent dans des nids sphériques (des hottes) d’une 30aine de centimètre de diamètre construits à environ 8 mètres du sol, dans une fourche d’arbre. Chaque individu va en construire plusieurs sur son territoire, qu’il entretiendra tout au long de l’année en replaçant des rameaux à l’extérieur ainsi que de la mousse et des feuilles mortes à l’intérieur (et oui, il se paye le luxe d’avoir des maisons secondaires).

Ce spécimen arbore encore son pelage hivernale plus long et sombre, les pinceaux des oreilles sont ici bien visibles.
Une vie d’écureuil
Pour la « période des amours », les mâles sexuellement matures (les deux sexes le devenant autour d’un an, une peu plus tôt pour ces dames) s’aventurent sur le territoire des femelles afin de s’y accoupler, ayant senti les odeurs de l’œstrus. Cette dernière n’est fertile que sur un laps de temps très court -environ une journée- entre la fin de l’hiver et le début du printemps, et une deuxième fois au milieu de l’été. Sitôt la fécondation faite, le mâle n’est plus le bienvenue et l’écureuille (et oui, ce mot existe) s’occupera du reste elle-même.
Après 5 à 6 semaines de gestation, une portée de 2 à 5 écureuillons (oui c’est trop mimi) verront le jour, même si jusqu’à 8 petits pourraient téter en même temps, leur nombre dépendant de plusieurs paramètres influant sur la mère, comme l’abondance de nourriture ou la pression de prédation.
Ces derniers naissent aveugles, sans poils ni dents, qu’ils acquerront au cours des 2 et 4 premières semaines de leur vie, sur la dizaine de semaines que durera leur sevrage, durant lequel l’écureuille transfèrera ses petits si elle sent un danger pour leur survie.
Si tout se passe bien pour eux, les écureuils peuvent espérer vivre entre 5 et 7 ans, jusqu’à 10 ans en captivité où maladies et prédateurs ne font pas loi.
Menaces et protections
L’une des principales causes de mortalité des écureuils roux en France est la destruction des corridors écologiques et la fragmentation de son habitat, laissant une population incapable de migrer vers de meilleurs territoires à cause des dangers au sol, où il devient très vulnérable aux collisions routières. Il est aussi la proie de prédateurs terrestres comme les animaux domestiques (chien et chat), les renards ou les martres des pins (capables de suivre un écureuil dans les arbres, mais plus avantagées au sol). Il peut aussi de rapaces et corvidés.
Une méthode plutôt simple existe pourtant afin de rallier deux arbres : l’écuroduc !! Et oui, vous connaissiez l’aqueduc pour l’eau, peut-être aussi le crapauduc pour les amphibiens, voici maintenant le pont de faune spécial écureuils, à savoir une corde (ou un pont de planches fixées à cette dernière pour les écureuils les plus aisés) tendue entre deux arbres éloignés !! Pas de passage au sol, une tension continue grâce à un système de poulie et de leste afin d’éviter les dégâts sur les arbres ou sur la corde, et TADAAM ! Bon évidemment ce dispositif permet de relier deux zones déjà relativement proches, mais séparés par une frontière dangereuse comme une route ou un cours d’eau, et n’est pas envisageable sur une plus grande distance.
Malheureusement pour notre ami à poils roux, tout comme l’homme est un loup pour l’homme, l’écureuil subit aussi ses semblables… Il existe en effet dans de plus en plus de pays d’Europe une compétition avec son cousin américain l’écureuil gris (arrivé au cours du 20ème siècle comme animal « exotique et d’ornement des parcs urbains ». Si si, telle était l’idée à la base, mais qui aurait pu prévoir…).
Comme de nombreux concurrents invasifs ce dernier est plus gros, donc peut supplanter l’autochtone pour les ressources alimentaires et les sites de nidifications. Histoire d’être vraiment une plaie, l’écureuil gris a le bonheur d’être porteur sain de deux armes biologiques mortelles pour notre ami : la première est un virus nommé le parapoxvirus, aussi appelé variole de l’écureuil, bien connu pour avoir détruit en quelques décennies la quasi totalité des populations anglaises.
La deuxième est un parasite intestinal : les coccidies, auxquels l’écureuil gris est lui-aussi porteur sain (mais quel tricheur celui-là), faisant subir de fortes diarrhées pouvant entrainer la mort par affaiblissement de l’infecté (une tourista de l’écureuil, pas besoin de faire un tableau). Fort heureusement, cet indésirable voisin n’a pas encore trop élu domicile dans l’Hexagone, mais reste surveillé de près, de par sa présence à la frontière italienne. Heureusement, la nature peut aussi aider dans la lutte car la martre des pins est un prédateur efficace de l’écureuil gris, le préférant à l’écureuil roux car plus gros et plus facile à attraper, car ce dernier vit plus souvent au sol.
Vous vous rappelez le nombre d’espèces différentes citées plus haut ? Et bien cela aurait été dommage de se chercher des noises avec un seul cousin : En France cette fois, c’est un voyageur asiatique, l’écureuil à ventre rouge (ou écureuil des Pallas) qui a débarqué dans la région d’Antibes (en 1970) et les Bouches-du-Rhône (en 2014). Le plan national de lutte contre les individus d’Antibes (Septembre 2014) a -ironiquement- démontré que l’autoroute A8 agissait comme une barrière naturelle contre la propagation de l’espèce, comme quoi…
Il est toutefois difficile de lutter contre ces deux espèces car, roux, gris ou à ventre rouge, un écureuil c’est mignon ! Malgré un statut Invasif, ils ont donc trouvé refuge dans le cœur des gens, et comme ces animaux peuvent devenir familiers pour peu que de la nourriture soit en jeu, ils s’approchent sans trop de crainte des humains, si vous voyagez ou avez voyagé à Londres, vous devez sûrement voir de quoi je parle. Bref, comme toujours, la communication est importante pour permettre de faire prendre conscience des enjeux.

Un écureuil gris dans un parc à Londres, juste avant de se précipiter vers une personne qui distribuait de la nourriture à ses congénères.
Croyances et vérités
L’écureuil est bien souvent dans l’imaginaire collectif, un tête-en-l’air hyperactif qui cache sa nourriture un peu partout pour faire des réserves, et oublie où il les a placées… Et bien cette croyance populaire n’est qu’en partie vraie : l’écureuil fait effectivement des réserves un peu partout sur son territoire en prévision de l’hiver (que ce soit en les enterrant sous l’humus, entre les racines d’un arbre, dans la cavité d’un tronc ou même entre des branches). Toutefois il est tout à fait capable de retrouver l’emplacement de bon nombre d’entre elles, que ce soit grâce à des repères visuels (donc mémoriels) ou olfactifs, car l’écureuil cache une très bonne vue ainsi qu’un odorat très développé. Il est ainsi capable de retrouver un fruit enterré sous plusieurs millimètres d’humus ou de neige.
Sous de la neige ? Mais l’écureuil ne dort pas tout l’hiver comme sa cousine la marmotte ? Et bien non, si la marmotte hiberne, c’est-à-dire entre en léthargie plusieurs mois afin de dépenser le moins d’énergie possible, le métabolisme de l’écureuil est trop important pour lui permettre de se priver si longtemps de nourriture. Il doit donc hiverner, son métabolisme ralenti quand même, et il alterne entre des phases de sommeil bien à l’abri dans sa hotte, et des phases d’excursion à la recherche de la nourriture qu’il a entreposé. Pour résister au froid, il adopte un pelage d’hiver plus long et c’est à cette période de l’année que l’on peut voir les fameux « pinceaux » au dessus de ses oreilles.
Nous arrivons au bout de cet article sur ce fascinant animal qu’est l’écureuil roux, j’espère que la lecture vous aura plu et que vous pourrez avoir la chance, vous aussi, d’entendre des bruissements au pied d’un conifère avant d’apercevoir l’éclair roux de nos forêts. Sur ce, je vous laisse, une partie de Leaf m’attend.
