Qu’on soit connaisseur ou novice, tout le monde a déjà entendu parler des Amanites, ces champignons dangereux à éviter absolument, souvent représentés avec le chapeau rouge à points blancs en mode maison des Schtroumpfs. Pourtant, vers le sud de la France, l’amanite des Césars est un célèbre comestible, très recherché. Cette Amanite ne pousse pas (encore) en Bretagne, mais en vrai, même par chez nous il existe des Amanites tout à fait consommables, au goût raffiné si bien cuisinées.
Le cueilleur novice s’abstiendra de les ramasser car le risque de confusion est important et les conséquences peuvent vite devenir graves. Dans cet article, nous allons débroussailler ce vaste champ pour apporter de la clarté sur ce magnifique groupe de champignons, ses danger et ses bonnes surprises.
Attention : cet article n’incite aucunement la cueillette ni la consommation des amanites. Si vous désirez apprendre cette pratique, faites-vous conseiller par un spécialiste et ne partez pas seuls en forêt avec un bouquin, car la variabilité des champignons demande de l’expérience pour réussir son identification. Bonne lecture informative 🙂
Comment on reconnaît une amanite ?
D’un point de vue scientifique, nous pouvons décrire une amanite comme un champignon avec pied et chapeau, à lames libres (c’est-à-dire qu’elles ne touchent pas le pied, ça laisse comme un petit cercle entre le pied et le début des lames sous le chapeau) et sporée blanche. La plupart des amanites aura un voile partiel, qui reste accroché au pied sous forme d’’anneau, et un voile général, qui crée à la base du pied une structure appelée volve.
Ce sont des champignons mycorhiziens, qui se lient avec les racines de certains arbres dans ce qu’on appelle une relation symbiotique (ou symbiose), dans laquelle l’arbre nourrit le champignon avec des sucres et le champignon apporte à l’arbre les nutriments dont il a besoin depuis le sol.
Un bébé amanite a un aspect de petite boule, d’œuf, et petit à petit le pied va grandir, en cassant le voile général, qui reste sous forme de volve en sac si le voile est membraneux, ou en volve floconneuse si le voile se fragmente en petits morceaux.
Dans ce deuxième cas, des restes du voile général persistent aussi sur le chapeau, en donnant l’impression qu’il est recouvert de verrues blanches : ces petites tâches peuvent s’enlever en gratouillant, avec une forte pluie ou à cause des animaux qui les consomment, alors attention car c’est un critère peu fiable lors de la détermination. Pour terminer, c’est le voile partiel qui se déchire au bord du chapeau, en restant accroché au pied sous forme d’anneau.
Les caractères comme ces restes de voile, ou la volve en sac qui « devrait dépasser du bulbe », ou encore la couleur du chapeau…sont des caractères qui peuvent varier d’un spécimen à l’autre, ils ne sont donc pas fiables. Dans les identifications, on cherchera des spécimens en bon état (pas des à moitié mangés par les limaces, pas des délavés par la pluie…) et on observera les caractères morphologiques immuables, comme par exemple les striures de la face supérieure de l’anneau, présentes chez certaines espèces. Si l’anneau est là et n’est pas abîmé.
Des amanites très dangereuses…
La mauvaise réputation des amanites est liée à la présence d’espèces mortelles dans le groupe : l’amanite phalloïde (Amanita phalloides) est la plus connue et celle qui cause le plus grand nombre de décès en France. Malgré son chapeau à l’apparence fibrilleuse et aux teintes verdâtres, sa volve et son anneau, les cueilleurs inattentifs peuvent la confondre avec une russule verdâtre, voire avec un jeune cèpe (malgré son absence de lames sous le chapeau…). Son aspect joli et son odeur neutre ne donnent pas de signes de toxicité : ne faites pas confiance à votre instinct pour savoir si un champignon est comestible ou pas ! Le seul moyen de le savoir, c’est de l’étudier. Aussi, ses effets toxiques se révèlent 1, 2 voire 3 jours après l’ingestion : autant de temps pour oublier que l’on a consommé des champignons et rendre le diagnostic compliqué ! Le foie et les reins sont attaqués et le seul espoir de s’en sortir c’est une greffe en urgence.
L’amanite vireuse (Amanita virosa), toute blanche et avec une odeur…vireuse, désagréable, est tout aussi mortelle mais rarement ramassée. Les mycologues étudient cette espèce car une amanite très proche, provenant d’Amérique, A. amerivirosa, pourrait être présente sur le territoire Français et avoir été confondue avec A. virosa depuis fort longtemps… les caractères morphologiques des deux espèces sont proches et les données de présence en France métropolitaine pourraient être partiellement faussées par ce petit détail, qui nous a échappé pendant longtemps. Affaire à suivre.
La plus connue des amanites est sûrement l’amanite tue-mouches (A. muscaria), appelée comme ça car elle semble avoir un effet somnifère sur les mouches qui se posent sur son chapeau. Elle a une très mauvaise réputation, avec son chapeau rouge qui indique le danger… C’est en effet un champignon toxique, mais elle a surtout des effets psychotropes, hallucinogènes. Elle est rarement mortelle mais la sensibilité de chacun à ces molécules est imprévisible…alors prudence. Là où l’amanite des Césars (A. caesarea) est présente, avec son chapeau orange sans points blancs, la confusion avec une tue-mouches délavée et aux teintes plus orangées est vite arrivée ! Dans ces cas, le plus important est de se fier à la volve en sac de l’Oronge et ses lames jaunes, alors que la tue-mouches possède une volve fragmentaire et lames blanches.
Dans la série des jolies amanites colorées, nous avons l’amanite jonquille (A. gemmata, anciennement A. jonquillea), avec son petit chapeau jaune et son anneau fragile, qui se casse rapidement. C’est une espèce que je chéris, car elle m’a fait comprendre que « théoriquement », les amanites ont des lames libres. Après…il peut aussi arriver qu’une petite pellicule bizarre reste collée entre les lames et le pied, en donnant l’impression que les lames sont attachées à ce dernier. N’importe quoi, cette amanite. Elle contient aussi les mêmes substances que la tue-mouches mais ses effets sont moins bien connus, elle est donc considérée tout simplement toxique.
L’amanite panthère (A. pantherina) est semblable à la tue-mouches mais beaucoup plus puissante : elle provoque des troubles digestifs violents mais est rarement mortelle. C’est une amanite à chapeau brun qui peut être confondue avec deux autres espèces qui ne sont pas toxiques, l’amanite épaisse (A. spissa) étant un comestible très médiocre et donc déconseillé, et l’amanite comestible la plus connue dans nos régions que nous allons détailler ci de suite 😉 LE critère à vérifier pour être sûr que c’est une amanite panthère, c’est à niveau de la surface extérieure de l’anneau : chez cette espèce, la surface est lisse, alors que chez ses semblables non toxiques, la surface est striée !
…mais aussi des espèces comestibles !
En Bretagne, la Golmotte est considérée comme un bon comestible : Amanita rubescens, amanite rougissante ou vineuse, à cause de ses teintes rougeâtres dans les blessures de la chair. Elle contient une molécule toxique présente aussi dans la phalloïde, qui perd sa toxicité à la cuisson : il est donc essentiel de bien la cuire, à au moins 60°C, et pendant un bon quart d’heure pour être sûr d’éliminer cet effet hémolytique indésiré. Certains préconisent aussi d’enlever sa cuticule (la peau du chapeau) car c’est là que la toxine est le plus concentrée. Voyons en détail comment reconnaître la Golmotte.
Elle possède un petit bulbe marginé à la base du pied, avec une volve fragmentaire qui se casse en plein de petits flocons. Flocons qu’on retrouve aussi sur le chapeau, parfois isolés parfois rassemblés en plaques. Le chapeau est brun rougeâtre, parfois difficile à différencier de l’amanite épaisse ou panthère.
Comme l’amanite épaisse, l’amanite rougissante possède des striures sur le dessus de l’anneau, caractère essentiel pour l’identification (car l’amanite panthère, toxique, a l’anneau lisse). Le critère qui différencie la Golmotte de ses cousines, c’est sa coloration vineuse, qu’on retrouvera dans les blessures de sa chair, dans le pied, sur le chapeau, sous la cuticule. Bien sûr, la couleur n’est pas toujours un critère fiable pour une détermination, alors en cas de doute, la meilleure attitude à avoir c’est de s’abstenir de consommer le spécimen chelou. Et mine de rien, ça arrive plus souvent qu’on le croît d’en trouver !
D’autres amanites sont considérées, selon certains auteurs, comestibles si bien cuites : l’amanite citrine (A. citrina), à l’odeur de rave (et non de citron), est un comestible moyen et doit être cuite à haute température (autour des 70°C) pendant une dizaine de minutes pour perdre sa toxicité. Les amanites sans anneau (eh oui, car si elles étaient toutes typiques et faciles à reconnaître, on ne s’amuserait pas :p) comme l’amanite vaginée (A. vaginata) ou l’amanite fauve (A. fulva), reconnaissables à leur volve en sac en fuseau, sont aussi comestibles si bien cuites, mais attention : l’amanite fauve est aussi une championne de l’accumulation des métaux lourds, alors il est préférable de s’abstenir de la consommer, surtout dans les lieux potentiellement pollués. Personnellement, je ne m’aventurerai pas dans la découverte de ces saveurs…
Au delà de la peur pour apprendre à les aimer
Les amanites sont des champignons magnifiques, au design surprenant, coloré, ornementé. Au delà de la peur qu’on peut ressentir en sachant que certaines d’entre elles peuvent nous tuer si on les consomme, au delà de la curiosité d’en manger certaines car si on les cuisine bien les toxines sont détruites, les amanites ont un intérêt esthétique, poétique, écologique : elles relient les arbres entre eux dans ce qu’on appelle le Wood Wide Web, le WWW de la forêt. Alors, la prochaine fois que vous rencontrez un chapeau rouge à points blancs, ou un beau chapeau vert fibrilleux, ou encore un chapeau jaune avec ou sans points, au lieu d’y mettre un gros coup de pied « car c’est des champignons toxiques, ils sont dangereux », laissez-les s’épanouir dans leur courte vie de carpophores et admirez leur grâce, sans les déranger.