Œdémère noble, le maillot vert du jardin

Il est des insectes noirs, rouges ou encore jaunes, voire même bruns ou bleus. Toutefois peu ont la chance de pouvoir se targuer de posséder une couleur aussi intrigante que le vert métallique de la petite bête dont nous allons parler aujourd’hui, à savoir Oedemera nobilis.

Qu’est-il au juste, ce noble œdémère ?

Un peu de taxonomie d’abord, pour s’échauffer le cerveau : 6 pattes, des antennes, deux paires d’ailes, le corps segmenté en 3 parties, tout le monde saurait maintenant que l’on parle d’un insecte, nul doute là-dessus. Il s’agit plus précisément d’un coléoptère, un ordre d’insectes dont la caractéristique principale est que la première paire d’ailes est rigide et transformée en une véritable carapace (du grec « κολεός » koléos qui signifie « fourreau »), jouant un rôle de protection de la deuxième paire d’aile, plus fragile, membraneuse et repliée en-dessous, servant pour sa part au vol.

Les coléoptères sont ni plus ni moins que l’ordre taxonomique le plus diversifié du règne animal ! Parmi ces raisons on retrouve bien sûr la protection efficace d’un exosquelette solide couplé à ces ailes rigidifiées (que l’on nomme d’ailleurs des élytres, dont le nom latin elytra signifie lui-aussi « fourreau ») offrant une grande protection contre les chocs et les prédateurs.
Ils ont aussi un régime alimentaire très varié : qu’ils soient nectarivores ou xylophages (comme l’œdémère), prédateurs carnivores, coprophages, herbivores, frugivores ou encore nécrophages, les coléoptères ne font pas la fine bouche, ce qui leur permet de survivre dans des conditions où des insectes plus spécialistes ne sauraient s’adapter.
Ah, et saviez-vous que certains coléoptères étaient même capables de vivre sous l’eau ? pour cela le dytique bordé triche un peu : il conserve une bulle d’air sous ses élytres (et oui, encore elles) pour s’en faire une bouteille de plongée. Bon, maintenant que je me rend compte que l’on pourrait faire un article entier sur les coléoptères en général, il serait temps de revenir à notre noble œdémère.

Comment le reconnaître ?

Facilement identifiable à sa couleur verte métallique pouvant virer sur le cuivré ou le doré, ce charmant insecte d’une dizaine de millimètres possède des élytres qui ne recouvrent pas l’entièreté de l’abdomen, se ratatinant et s’amincissant dans une échancrure qui laisse voir la deuxième paire d’ailes -aptes au vol- en dessous.
Pourvus aussi de grandes antennes aux nombreux segments (presque la longueur du corps), de gros yeux noirs hémisphériques, d’un très mince thorax suivi d’un plus gros et long abdomen en forme de pointe de flèche, le détail le plus marquant reste, plus encore que la couleur, la forme particulière des fémurs de la troisième paire de pattes, qui sont enflés comme les jambes d’une personne qui chatouillerait la pédale. Cela lui a d’ailleurs valut ses surnoms de cycliste maillot-vert ou encore de cycliste émeraude.
Ce caractère morphologique est d’ailleurs un dimorphisme sexuel puisque la gonflette n’est présente que chez le mâle, la femelle ayant quant à elle une troisième paire de fémurs relativement proportionnée à ceux des autres pattes (image ci-dessous).
D’ailleurs le nom « œdémère » vient du grec « οἶδος » oidos signifiant gonflement et de  » μηρος » mèros qui signifie cuisse ou jambe, et qui est une corrélation directe avec cette particularité anatomique (vous voyez, ce n’est pas toujours dur la taxonomie). Quant à la fonction de ce gonflement, et bien si vous le connaissez, je veux bien vous lire en commentaire, car je n’ai trouvé nulle part d’information concordante ou pertinente (et j’en suis d’ailleurs très triste).

Où peut-on le trouver ?

Présent sur les fleurs « de jardin » dont il boulotte allègrement le nectar et le pollen, vous pourrez trouver l’adulte d’Avril à Août en train de faire sa tournée, assurant ainsi un rôle de pollinisateur puisqu’il il va -lors de ses trajets- transporter une partie du pollen posé sur lui d’une plante à une autre. La larve quand à elle se cache dans les tiges et consomment les champignons microscopiques vivant dans le bois.

Géographiquement, il nous est possible de le rencontrer sur l’ensemble de l’Europe Occidentale, de la partie Sud de l’Angleterre jusqu’au Nord du continent Africain bordant la Méditerranée. D’Ouest en Est il sera trouvable du Portugal jusqu’à la moitié de l’Europe, vers l’Autriche dans les terres et un peu plus loin près des mers, laissant à penser que le climat continental ne lui réussit pas.

Pas besoin j’imagine de faire un grand laïus sur le fonctionnement d’un pollinisateur, ni de rappeler l’extrême importance de ces petites créatures qui, en ne faisant rien d’autre que vivre leur vie d’insecte, participent activement à la reproduction des végétaux, pour notre plus grand bonheur et besoin. (Si vous souhaitez jouer les schtroumpfs professeurs, vous pourrez d’ailleurs dire que les services rendues par la nature à l’Humain comme la pollinisation portent le doux nom de services écosystémiques, et regroupent un nombre ahurissant d’exemples. Voilà c’est cadeau).
Il me semblait important de le préciser afin que justice soit rendue, car les abeilles et les papillons ne sont pas les seuls insectes à assurer le transfert du pollen d’une fleur à l’autre, il en existe d’autres moins « mignons » comme des scarabées ou des mouches, pourtant tous aussi essentiels.
Enfin c’est toujours un atout, pour les jardiniers d’entre vous, que de savoir reconnaître un allié au potager.

Un coléoptère, sans peur ni crainte

Les élytres des œdémères, même ratatinées, les protègent des prédateurs comme une certaine araignée qui chasse pourtant sur les mêmes fleurs que celles dont le glouton se nourrit, à savoir l’araignée-crabe, aussi nommée Thomise variable (en raison de sa capacité d’adapter sa coloration à la fleur-hôte dont elle se sert comme appât).
Il semblerait en effet que ces dernières ne s’intéressent pas à l’hexapode, qui du coup ne se gêne pas pour continuer son repas (j’ai en l’occurrence déjà vu ledit insecte aller jusqu’à marcher sur l’araignée pourtant presque aussi grosse que lui, occasionnant uniquement le déplacement un peu penaud de la thomise… Quel sans-gêne cet œdémère !!

Malheureusement il subit un sort commun à toutes les petites bêtes qui vivent dans les jardins, prairies et autres champs fleuris : les pesticides et insecticides. Loin d’être sélectifs sur les espèces touchées, ces produits détruisent les pollinisateurs tout autant que les « ravageurs », et notre pauvre coléoptère se trouve dans le même panier quand passe le pulvérisateur.

Nous arrivons déjà à la fin de cet article, mais ne vous en faites pas, l’œdémère est encore bien présent dehors pour que vous puissiez aller le chercher et l’observer. D’ailleurs n’hésitez pas à me dire si vous en aviez déjà vu auparavant ou si au contraire, vous ne l’aviez jamais remarqué. Sur ce, mois, je vous laisse en vous souhaitant une bonne journée, et je retourne dans mon jardin, loupe à la main.

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